Squat et impayé de loyer: vers un rééquilibrage des droits du propriétaire?

Le 12/08/2023

Les propriétaires bailleurs détiennent pour prés de 60 % d’entre eux, un seul bien et un tiers d’entre eux sont des retraités.

Les petits propriétaires existent bel et bien et les revenus qu’ils tirent de leur bien en location sont indispensables pour leur garantir une retraite convenable.

Ils n’ont pas, comme les gros bailleurs, les moyens de faire protéger leurs logements des squatteurs par des entreprises de surveillance, ou de faire gérer leurs biens par des tiers.

Qui plus est, pour ces propriétaires l’injustice est double, lorsqu’ils rencontrent un impayé de loyer, d’une part leur bien est occupé par un locataire qui ne se plie pas aux obligations prévues au contrat de bail qu’il a signé et d’autre part la législation leur impose de lutter pendant des mois voir des années pour récupérer leur bien, en essuyant souvent des pertes financières considérables.

C’est afin de permettre aux propriétaires de pallier à ces difficultés qu’a été adopté la Loi du 27 juillet 2023 n° 2023-668.

Pour ce faire, cette loi vise deux types de dispositions, les premières relatives au squat afin de rendre la procédure déjà existante plus fluide et d’englober à la procédure un plus grand nombre de bien immobilier non pris en compte jusqu’à ce jour et enfin mieux sanctionner cette infraction.

Une seconde partie du texte se consacre aux difficultés rencontrées par le propriétaire en cas d’impayé de loyer. Ainsi,  certains délai sont raccourcis, il est aussi prévu la possibilité de résilier le bail pour manquement aux obligations contractuelles du locataire et des sanctions sont créées.

Cette loi vient rationnaliser des situations insupportables pour le propriétaire/bailleur, dans un contexte de crise du logement qui engendre de son côté de grandes souffrances pour de nombreux foyers.

Le premier volet relatif aux situations de squat vient parachever de façon assez complète le travail déjà réalisé avec la loi dite ASAP.

Le second volet relatif à la procédure de loyer impayé et d’expulsion semble à y regarder de plus prés ne pas faire bouger les lignes comme cela était annoncé.

Un rééquilibrage partiel des droits du propriétaire en matière de squat.

La loi du 7 décembre 2020 d’Accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP est déjà venue simplifier et accélérer la procédure d’expulsion des squatteurs.

Elle permet aux propriétaires victimes d’occupations illégales de se faire accompagner par un Commissaire de justice, tout au long de la procédure afin de retrouver leur logement sans passer par la justice et en déposant plainte directement auprès d’un commissariat.

Pour ce faire le propriétaire doit prouver que le logement est bien son domicile, par exemple à l’aide de factures ou de documents fiscaux. Il fait ensuite constater par un officier de police judiciaire que le lieu est bien squatté. Enfin et avec l’aide du commissaire de justice il adresse à la préfecture une demande de concours de la force publique, afin de faire évacuer le logement.  

Les préfets ont alors 48 heures pour examiner le dossier et accepter ou non la requête. Si cette dernière est validée, ils pourront mettre les occupants en demeure de quitter le lieu, sous peine d’évacuation forcée. 

La loi du 27 juillet 2023 vient ajuster et compléter la loi ASAP en apportant les modifications suivantes:

  • Les propriétaires peuvent désormais faire intervenir directement un Commissaire de justice afin de constater le squat. Le but ici est de pallier aux délais d’intervention des OPJ déjà fortement mobilisés. Ainsi, l’intervention peut être quasi immédiate et se faire dans l’urgence.
  • La procédure d’expulsion accélérée en situation de squat concerne désormais tous les locaux à usage d’habitation contenant des biens meubles appartenant au propriétaire, que celui-ci y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non, ainsi que les locaux à usage commercial et industriel.
  • Le délai de 48 heures octroyé aux Préfets afin d’examiner la requête est maintenu lorsque le squat porte sur le domicile du demandeur à la procédure. Par contre, il est porté à sept jours lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur et donne la possibilité d’introduire une requête en référé sur le fondement des article L 521-1 à L521-3 du Code de la justice administrative, afin de faire suspendre la mesure.
  • Les sanctions pesant sur les auteurs du délit de violation de domicile sont augmentées afin de les aligner sur la peine qu’encourent déjà les propriétaires qui procèdent à une expulsion sans le concours de la force publique. Jusqu’à présent, les personnes qui occupaient illégalement le domicile d’autrui encouraient une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Paradoxalement, la peine encourue par les personnes qui expulsent personnellement les squatteurs de leur domicile sans avoir recours à la force publique, encourent trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Désormais ces premiers sont donc pénalisés à la même hauteur que les seconds.
  • Le maintient sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire  ayant donné lieu à un commandement de quitter les lieux depuis plus de deux mois est désormais sanctionné de 7500 euros d’amende. Cette disposition n’est toutefois pas applicable en période de trêve hivernal et durant les délais octroyés par le juge afin de se maintenir dans les lieux lorsque le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
  • Le législateur crée également une sanction pénale en punissant de 3750 euros d’amende,  la propagande ou la publicité, en faveur de méthode facilitant ou incitant à l’intrusion et à l’occupation de locaux propriétés de tiers.

 

Cette loi vient effectivement rééquilibrer les sanctions entre squatteurs et « propriétaires indélicats », et la reprise d’un logement principal est clairement facilité.

Par contre, une distinction subsiste entre logement principal et logement secondaire/local commercial et professionnel. Tout d’abord au niveau du délai octroyé au préfet afin de faire droit à la demande d’expulsion, ainsi que la possibilité  de faire suspendre la mesure.

Il ne faut cependant nier l’avancé et le caractère plutôt complet de ces dispositions qui encadrent de façon assez précise la situation de squat.

Un rééquilibrage partiel des droits du propriétaire en matière d'impayé de loyer.

La loi du 27 juillet 2023 vient tout d’abord créer une clause dite de résiliation automatique dans le contrat de bail et la rend, obligatoire de plein droit.

Cette nouvelle disposition résulte du fait que la clause résolutoire censée provoquer la résiliation automatique du bail lorsqu’un commandement de payer est demeuré infructueux, manque de caractère opératoire. En effet, depuis 1998, la loi permet au juge de suspendre d’office ses effets tant que les délais de paiement de la dette locative qu’il a accordés au locataire sont en cours, ce qui pouvait durer jusqu’à trois années.

Sans revenir sur la faculté du juge d’accorder des délais de paiement, le législateur supprime la suspension concomitante de l’effet de la clause de résiliation du bail.

La loi vient également abaisser les délais de paiement formulés lors de l’audience en résiliation de bail. Ces délais compris  entre trois mois et trois ans sont ramenés entre un mois et un an. Ces délais ne peuvent désormais être octroyés qu’après étude de la situation du locataire, à savoir si ce dernier donne des garanties suffisantes sur le bon règlement à venir de sa dette et si ce dernier a repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience. 

Cette suspension prend fin dés le premier impayé ou dés lors que le le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge.

Elle modifie ensuite l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, en réduisant de deux mois à six semaines, le délai figurant au commandement de payer les loyers ainsi que le délai entre la signification de l’assignation et la date d’audience.

Ces délais étant prévus à peine de nullité dans le commandement de payer les loyers et l’irrecevabilité de l’assignation, la loi n’ayant pas prévu de disposition quant à ses modalités d’application, se pose la question de savoir s’il doit être fait une application immédiate de ces nouveaux délais aux baux en cours.

Il en ressort d’un point de vue juridique que ces nouvelles dispositions semblent être d’application immédiate sous réserve de l’interprétation souveraine future des juridictions du fond et de la Cour de Cassation.

En tout état de cause, à compter du 29 juillet 2023, tous les nouveaux baux doivent automatiquement comporter une clause résolutoire dont le délai doit être porté à six semaines.

Enfin, le législateur crée également un délit d’occupation sans droit ni titre du logement d’autrui, en cas de violation d’une décision de justice prononçant l’expulsion. Ainsi le locataire dont l’expulsion a été ordonnée par une décision de justice et qui se maintient dans les lieux au terme du délai de deux mois figurant au commandement de quitter les lieux, encourt une amende de 7 500 euros. A ce titre, ne sont pas concernés:

  • les occupants se trouvant en période de la trêve hivernale.
  • les occupants bénéficiant d’une suspension octroyé par le juge.
  • les occupants de logements sociaux ou appartenant à une personne morale de droit public.

 

L’ensemble de ces dispositions semble de prime abord tendre vers une réduction des délais de la procédure et mettre à disposition des propriétaires de nouveaux moyens afin de contraindre l’occupant illicite de quitter les lieux.

Toutefois, la pratique et certaines dispositions déjà existantes atténues cette vision. 

En effet, la création de la clause de résiliation automatique semble concerner une infime quantité de situation dans le sens où la quasi-totalité des contrats en contiennent déjà une. D’autre part, l’absence de clause n’a jamais été un obstacle à l’obtention de la résiliation d’un bail et au prononcé d’une expulsion.

Concernant la réduction des deux délais de 2 mois à six semaines, cela sera sans aucun doute comblé au moment de la demande consistant en l’obtention du concours de la force publique. Cette étape est en effet « LA » variable temps qui crée tant de crispations et d’incompréhensions des propriétaires. Mais tant que les possibilités de relogement ne seront pas systématiquement envisageables, les Préfets n’auront d’autres solutions que de continuer à suspendre implicitement la procédure, en restant taiseux à la demande qui leur est faite.

Ensuite, la réduction du délai relatif au commandement de payer pourrait laisser envisager une augmentation significative des résiliations et des prononcés d’expulsion. Cette perspective peut également être atténuée dans le sens où dans la majorité des cas, les causes du commandement sont déjà réglés au terme de ce délai de six semaines.

Enfin, concernant la demande de délai de paiement faite au juge, la réduction conséquente du délai (de 3 ans à 1 ans maximum)  peut être facilement compensée par la possibilité de déposer un dossier de surendettement, ce qui entraine également une suspension de la procédure et pour un délai plus conséquent.

Il est toutefois possible d’envisager que la nouvelle sanction relative au délit d’occupation soit le levier permettant aux propriétaires de récupérer plus rapidement leur logement, l’avenir nous le dira…

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