Préjudice écologique : comment prouver un dommage environnemental et obtenir réparation ?

Le 19/05/2024

Vous avez observé la pollution d’un cours d’eau près de chez vous ? Votre voisin a détruit une haie pour agrandir son terrain ? Ou alors il stocke de manière illégale ses déchets dans une partie de votre jardin ou d’un terrain communal ? Avant de pouvoir agir en justice pour exiger la réparation de cette atteinte à l’environnement, il vous faudra d’abord le prouver. Et un commissaire de justice peut vous y aider..

Qu’est-ce qu’un préjudice ou un dommage écologique ?

L’article 1247 du Code Civil définit le dommage écologique est ” une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement “.

Par exemple, cela peut-être une grande catastrophe industrielle comme l’explosion de l’usine AZF ou Lubrizol, une marée noire comme un feu de forêt. Mais les atteintes à l’environnement peuvent aussi être moins spectaculaires comme la pollution d’un sol ou d’un cours d’eau, les décharges ou constructions sauvages.

Par dérogation au droit commun où tout préjudice est réparable, on constate que face à un dommage écologique, le législateur a voulu subordonner la réparation du préjudice écologique à la preuve d’un seuil de gravité suffisant caractérisé par l’expression « non négligeable ».

Le caractère négligeable ou non est laissé à l’appréciation du juge. La jurisprudence foisonne d’exemples d’atteintes « non négligeables » : décharge sauvage, remblai d’une zone humide, coupe d’une haie, extension d’un étang, pollution d’un cours d’eau, etc.

A contrario, on peut imaginer que tuer des moucherons avec sa voiture, la fuite d’un robinet ou le fauchage d’un fossé par exemple sont des « atteintes négligeables ».

 

Qui a le droit d’agir en matière de préjudice écologique ?

Seules les personnes qui justifient d’un intérêt à agir peuvent intenter une action en justice.

Dans le cas d’atteinte à l’écologie, c’est l’environnement, la biodiversité, la nature qui subissent un préjudice. Ces éléments n’ont pas pas de personnalité juridique.

  • l’État ou des associations de défense de l’environnement agissent pour leur compte et ont donc un « intérêt à agir ». C’est un préjudice objectif, contrairement au préjudice subjectif que subit la personne physique en tant qu’être vivant impacté par le dommage à l’environnement.
  • Si une personne physique ou morale subit un préjudice lié à l’environnement (un agriculteur coupe ma haie, un voisin coupe mon arbre, une entreprise dépose des gravats sur ma propriété), c’est d’abord un préjudice personnel et on va privilégier une action civile. Ce qui n’empêche pas les pouvoirs publics ou une association de poursuivre parallèlement l’auteur du préjudice au pénal.

ATTENTION : il ne faut pas confondre l’intérêt à agir en justice, qui consiste à intervenir en tant que partie à un procès, en tant que demandeur ou partie civile, et l’intérêt à demander un constat d’huissier.

Le constat est une preuve. La plupart des constats ne sont jamais produits en justice, et sont réalisés à titre préventif même si la jurisprudence considère qu’un constat de commissaire de justice peut fonder les poursuites. 

 

Comment prouver le préjudice écologique ?

Pour prouver la réalité d’une préjudice, on apporte la preuve :

  • d’un dommage découlant d’une infraction
  • ou d’un dommage, d’un fait générateur et d’un lien de causalité entre ce fait générateur et le dommage.

Lorsqu’un dommage, une infraction ou une atteinte survient, il est souvent momentané. Le fait dommageable peut ne pas être permanent. Or, il est essentiel de figer la situation à un moment précis, dans l’urgence, dès que le dommage apparait.

Les preuves par “tous moyens”

Il est possible de recueillir des preuves de l’atteinte à l’environnement par tous moyens.

  • photos
  • vidéos,
  • mesures,
  • témoignages de riverains…

Le constat par commissaire de justice

Spécialisé dans l’établissement de la preuve judiciaire, le commissaire de justice dressera un constat. Il veille à la précision et à la loyauté des preuves (qui conditionnent leurs recevabilité par la justice).

Une fois sur les lieux, le commissaire de justice prend des photographies, filme la scène, réalise des prélèvements, des mesures… Avant de consigner tout cela dans un constat de dommage environnemental constituant une preuve solide devant un tribunal.

A titre d’exemples :

  • en cas de pollution d’un cours d’eau, le constat veillera à bien établir :
    • combien de poissons sont morts ?
    • de quelle espèces ?
    • sur quelle surface du cours d’eau ?
    • quelles sont les substances anormalement versées dans l’eau et quelle est leur provenance ?
  • En cas de remblai illégal de zone humide on se demandera :
    • sur quelle surface ?
    • quel type de zone humide ?
    • quels sont les matériaux utilisés pour les remblais ?
 

Le constat de commissaire de justice pourra se révéler plus précis et moins facilement contestable que le procès-verbal d’un garde champêtre ou d’un gendarme peu ou non formé.

 

Constat préventif :

Il est possible de réaliser un constat en matière environnemental avant la survenance du dommage. Par ailleurs, quiconque peut demander un constat à un commissaire de justice, pour se prémunir contre d’éventuelles poursuites.

Exemples de cas où on peut faire appel à un commissaire de justice à titre préventif :

  • J’achète un terrain sur lequel se trouvent des déchets enfouis ou non
  • Je construis sur un terrain ; je fais constater l’état du terrain voisin sur lequel se trouvent des gravats, pour éviter qu’on me reproche de les y avoir déposés
  • Je construis après avoir obtenu une autorisation d’urbanisme, avec obligation de compensation

 

Comment exiger la réparation de l’atteinte à l’environnement ?

L’article 1246 du Code civil pose comme principe que toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer. La réparation est ordonnée par le juge.

L’article 1249 alinéa 1 du Code civil énonce la réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature.

C’est-à-dire que le juge privilégiera la remise en état, plutôt que le versement de dommages et intérêts.

Cette dernière nécessite :

  • la connaissance de  l’état antérieur
  • de contrôler de la réparation

A cette étape de la procédure, le commissaire de justice peut constater la réalité de la remise en état.

Le commissaire de justice peut également apporter la preuve de la réparation si elle est nécessaire, comme dans l’exemple ci-dessous :

La Cour d’appel de Besançon a condamné X à replanter 1200 mètres linéaires de haie et à remettre des terres en prairie, sous astreinte, et a « dit que X devra, sous peine de la même astreinte, faire parvenir à la Commission de protection des eaux de Franche Comté (l’association à l’initiative de la procédure) un plan et des photos attestant de l’effectivité de la mesure dès la fin des mesures de réparation. »

Dans ce cas précis, X a tout intérêt à faire constater par un huissier la remise en état.

 

 

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